Josée Yvon est morte en 1994, à l'âge de 44 ans, des suites du sida.
Elle a fait aussi un travail sur son corps, qu'elle a complètement détruit et qui est presque une oeuvre en soi, disait la poète Carole David. Elle est passée de jeune fille blonde frêle pour arriver à cette femme sans âge, toute déformée, grassette, tatouée, à une époque où ce n'était pas de mise.
Elle a voulu choquer, et y a réussi, en son temps. Cet aspect devient accessoire, lorsqu'on aborde l'oeuvre pour une première fois aujourd'hui.
On fait l'expérience d'une autre sorte de fascination, devant le talent brut.
Ginette emprunte l'autoroute du paysage
sa voix grave de femme indienne heureuse dans un
lift quelconque
la salve de danse dans la trompe avec un bulletin
paroissial
un goût de patates pilées sur le highway
rebelle à l'envers de banalité, la slutch et la noirceur
d'un 5h. d'hiver devant les épiceries
le jus du bordel psychédélique versé sur l'autoroute
des Tranxène pour visiter la petite Julie
sa petite fille aux pattes sales née sur le coin de
Drolet, une sculpture dansante
un suspense désespéré, peut-être l'apparition de
l'indéfectible révolutionnaire.
toute la maison de campagne a l'air d'un pyjama
souffrante et dangereuse
le plancher craque et les murs halètent
la table répandue où un ancien gourou s'assassine
de hot-dogs
une délinquante se lit les fables de Lafontaine sur le
chemin des plinthes d'un appartement.
Quant à la vieille femme de la commune elle avait
encore perdu son adresse
« Regarde-moé, c'était moé le malheur. » avait dit la
grand-mère Bertha.
on dit qu'un peuple vit nu et ne construit pas de maison,
il suffit de le regarder pour tomber malade et
mourir.
ici se pétrifie la fièvre jaune des peaux blanches.
les chattes étaient toutes enceintes en avril, comme
un goût de peau douce.
dans les bras de sa blonde Diane, Ginette vient fort,
raide et chaud.
Ginette pleure quand une fille la crosse : c'est une
belle image de cinéma.
friction et kérosène, la sueur goûte bon
une cow-girl embrasse la hors-la-loi et lui donne
refuge.
elle enseigne à ses enfants gay de mourir en flamme
plutôt qu'infirme.
et crunche le cunnilingus bombe folle comme des
biscuits Lido Petit Beurre.
-Josée Yvon, Pages intimes de ma peau, Écrits des Forges, 2015
Merci Carl pour cette découverte.
RépondreSupprimerJe vais aller à la découverte de cet univers qui me parle.
Merci Amigo ;)
C'est plombée à souhait. Je ne connaissais pas. Y'a une souffrance de l'imbibée qui me rentre trop dedans mais quel souffle. Merci.
RépondreSupprimerVDS: La version imprimée pourrait être difficile à dénicher en France, à moins de faire venir par la poste.
RépondreSupprimerMais voici un site où l'on peut retrouver quelques pépites: https://lesepuises.wordpress.com/category/josee-yvon/
Mimi: Souffrance de l'imbibée, en effet. On trouve facilement sur youtube une de ses performances à la nuit de la poésie, dans les années 70, où elle est complètement soûle. J'ai pas mis le lien car je trouve ça trop pathétique. Mébon.
Je deal mieux avec la maladie mentale que la toxicomanie. Je pense qu'il m'aurait fallu peu pour que je sombre. Toujours su, très jeune. Donc cette souffrance, je la porte. Je suis par contre très loin de cette colère la maintenant et y retourner me tente guère. Mais il faut ce genre de colère pour ce genre de mots. C'est magnifiquement humain.
RépondreSupprimerOui, je te comprends.
RépondreSupprimerPour ce qui est de Josée Yvon, l'aspect révolté, et parfois outrancier ne me plaisent pas tant que ça.
Je me rends compte qu'en la lisant, ce que je recherche aussi, c'est ce qu'il y a de pur dans son regard, ce qui est spirituel et qui dépasse le personnage. C'est un peu le bordel, tout est entremêlé, mais on finit par trouver.
Merci Carl pour l'info !
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