12 décembre 2011

Je n'avais pas l'habitude de ce visage

De se réveiller comme ça, au milieu de la nuit, avec un masque de chair autre que celui qu’on a toujours connu... Délier la langue, sentir se gonfler les muscles des joues autour: le menton trop lourd, la tête trop large, les arcades sourcilières trop épanouies, le nez trop haut et trop pincé, trop fin.
Il n’y a pas de miroir qui tienne, dans le noir, mais je me forge assez vite une image mentale de ce qu’est devenue ma tête. Et ça n’a pas de rapport avec moi, avec ma vie.
Je pense: On m’a transplanté la tête d’un passant!
Mais à quelles fins?!
Harassé de sommeil, j’essaie encore deux ou trois grimaces, histoire de confirmer cette impression. Quelqu’un assis au fond de la chambre me regarde, immobile. À moins que ce soit la patère.
De toute façon, j’ai l’habitude qu’on m’observe la nuit, pensai-je en abandonnant cette tête étrangère, beaucoup trop lourde, sur l’oreiller.

1 commentaire:

  1. Bonjour Carl,
    j'aime ta vision décalée de la perception nocturne sur soi-même : une sensation psycho-poétique interrogative.
    Un texte qui m'a interpelé...
    Merci.

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