28 janvier 2013

Bob, l'éternelle.

Cette semaine, je ferai un petit Breton de moi-même, et j'accompagnerai mon texte d'une, enfin de deux photographies, que je vous livre ici côte à côte.
La première (celle de gauche) date de 1967, et la deuxième de 2012.
Voici donc l'effort que je vous demanderai de faire: Simplement, de regarder attentivement ces deux images et de réaliser, de vraiment bien comprendre, que quarante-cinq années les séparent.
Prenez cinq minutes pour le faire.
























Quarante-cinq (45) ans, donc.
Oubliez l'homme au chandail de polyester (même pas) mauve, pauvre animal concupiscent disparu depuis si longtemps au fin fond d'un trou noir abyssal d'où personne n'est revenu. On ne compte plus les grains de poussière (et leurs descendants) qu'il constituât de sa carcasse et de son âme, au fil du temps, l'animal. Tous les cendriers de l'univers ne suffiraient pas à les contenir.

Elle, s'appelle Bob. Un prénom certes étrange pour une femme, j'en conviens. Nous ne traiterons pas de cette question ici. Précisons seulement qu'il advint, par un concours de circonstances, que Bob fut ma mère.
Je naquis en 1971, soit assez peu de temps après cette photo (celle de gauche) où elle semble bien tolérer les élans lubriques de mon père, vieux filou, va. Faut croire qu'il voulait un deuxième fils. Et il l'obtint! Puis il y eut la décennie soixante-dix, la décennie quatre-vingt, la décennie quatre-vingt dix, et la décennie deux mille.

Il y a quelques semaines, vers Noël, je roulais en direction de Québec, dans un autobus de la compagnie Orléans. Ces véhicules rembourrés/climatisés prétendent offrir à leur clientèle un confort absolument optimal. Et y parviennent.
De sorte qu'il devient difficile d'y faire quoi que ce soit d'autre que somnoler. Et qui s'en plaindrait?
Qui, dans cette existence violente de notre époque, sculptée à même l'angoisse des armes de destruction massive, ne rêve pas de tout bonnement somnoler?
En ce qui me concerne, peu importe le prix, chaque fois que j'ai besoin de me déplacer d'une ville à l'autre, j'opte pour ce type d'autobus.
C'est dans ces circonstances, ayant ouvert les yeux plus où moins sans raison, quelque part aux alentours de Trois-Rivières, que j'aperçus à côté de moi ma mère.
Mais pas la vieillarde quelle était devenue, non. Simplement ma mère, entre deux âges, une sorte de version immuable d'elle-même, telle qu'elle devait être aux alentours de 1980: Ce qu'on appelle souvent la force de l'âge. Elle somnolait aussi, et j'en ai profité pour la photographier.

Je suis ravi de savoir que tu existes encore sous cette forme non-altérée de toi-même, Bob, qui que tu sois dans tes rêves.
Et ravi aussi d'apprendre que d'une certaine manière, en un lieu particulier de l'existence, nous sommes condamnés à n'avoir pas d'âge, et à toujours exister.

12 commentaires:

  1. Superbe texte sur une rencontre étrange qui fait douter du Temps lui-même.
    J'adore "condamnés à n'avoir pas d'âge".

    Rég

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  2. Elle est joulie ta maman, encore plus maintenant avec ses bouclettes poivre et sel.

    Bob...c'est quand même pas commun. Mon mari s'appelle France. Pourquoi il lui ont donné ce prénom ? Parait que sa mère aimait la France et la Lorraine mais sa soeur est née avant lui (Lorraine). Et ils ne voulaient pas d'autres enfants. C'est l'histoire qu'ils racontent.

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  3. Haha... En ce qui concerne ma mère, le fait qu'elle a toujours refusé qu'on l'appelle par son prénom (Monique), a fini par lui valoir ce prénom, Bob, plus ou moins garoché au hasard pour rigoler... Mais qui est resté toujours.
    Plus personne ne l'appelle Monique maintenant :)

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  4. Heureuse de connaître Bob. C'est riche ce texte. J'aime beaucoup.

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  5. Bob, c'est mieux que Charles !!!

    La rouge a raison, très bon texte.

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  6. Bon alors... Une question Rainette (qui signifie petite reine): Pourquoi es-tu si énigmatique?

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  7. Génial cette introspection in the family .. ça parle ces traits, je te vois dedans.

    Carl, tu peux juste me confirmer que tu m'as envoyé un mail pour Fenech.. je te l'envois dès que possible avec Panda Bear, touch :D

    Biz

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  8. Oui, c'est bien moi qui t'avais demandé le Fenech via mail, Charlu. On ne le trouve pas ici...

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  9. Mon dimanche matin, je l'ai passé avec une oreiller sur le banc d'à côté. À regarder le visage de Bob. Quelques instants de bonheur, de calme. Avec ma musique à moi. Tks.

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  10. Ysan est toujours confo. Bon an, mal an...

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  11. Moment suspendu, presque hors du temps que ce texte-là !
    Poétiquement, tout est possible et c'est tant mieux...
    Amicalement.

    Yom

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