24 octobre 2015

Cloches d'églises de l'Alentejo

La sonnerie des cloches de l’église d’Évora exprime une beauté fière, lumineuse, arrogante ; une beauté qui se sait trop inégalable, au point d’en voir son charme se gangrener progressivement, au fur et à mesure qu’il est goûté.
Cette sorte de beauté qui force l’admiration, comme un viol des libertés fondamentales, est impossible à réellement aimer. Ses manières intrusives induisent une amertume semblable à celle d’un sucre presque cuit, enfermé dans une jarre, trop longtemps exposée au soleil, dont on fera un alcool causant cécité, délire, et fureur menant au meurtre.

La sonnerie des cloches de l’église d’Évora, sidérante de fraîcheur, de vitalité, de jeunesse, depuis le onzième siècle, excite et séduit dans un premier temps, puis à la longue, écoeure.
Elle pousse tout étranger, tôt ou tard, à renoncer et à fuir.





Les cloches d’églises de Portalegre, terribles, expriment d’une voix rauque le visage le plus grimaçant du moyen-âge : Cette face tournée vers le malheur, scindée par la dureté de la pierre et du fer conjointement plantés dans le coeur.

Malgré cette chaux épendue sur tous les murs de toutes les maisons, et ce soleil brûlant, perpétuel, du Portugal, particulièrement fort ici, la ville de Portalegre n’en finit plus d’être positivement morte. Et à la nuit tombée, elle trouve toute sa splendeur morbide dans un silence, un scintillement blafard. Comme un caillot de peur hérité des grandes noirceurs de l’an mille.




Le tintement des cloches d’église de Castelo de Vide, avec la même finesse, la même délicatesse, qu’une main qui veut -et parvient- à guérir, arrive comme un salut qu’on n’attendait plus.

Cette sorte de cauchemar diffus dans lequel ton esprit s’embrouille, il ne sera pas éternel. Un jour, en plein soleil d’après-midi, place Don Pedro V à Castelo de Vide, quelqu’un viendra vers toi, embrassera doucement tes paupières d’endormi, prendra ta main dans ses mains tendres comme des feuilles d’arbre, et te chuchoteras à l’oreille quelque chose comme : Réveille-toi, mon ami, tu es guéri...